Les montagnes-russes du ferroviaire chez SIAM par François-Marie Chessé, Directeur des projets

Le développement du ferroviaire chez SIAM a connu des hauts et des bas. Si SIAM a réussi à s'ouvrir les portes de ce marché c'est grâce à une grande persévérance, une cohésion d'équipe à toute épreuves et une montée en compétences rapide. Aujourd'hui, François-Marie Chessé, Directeur des projets SIAM, nous offre le récit de cette extraordinaire aventure qui a permis à SIAM d'être aujourd'hui considéré comme un "intérioriste" dans le milieu du ferroviaire. 

Bonjour François, je vous propose tout d’abord de vous présenter et de nous dire qui vous êtes, ce que vous faites dans la vie et vos missions au quotidien.

Bonjour Amélie, je suis Directeur Projets chez SIAM depuis 2015, je m’occupe principalement de tout ce qui est appels d’offres publics, RFQ ferroviaires et aussi des projets transverses que peut me confier ma direction. Par exemple, en 2015, un des premiers projets que j’ai pilotés, c’était la certification ISO 9001 avec l’ensemble des équipes de SIAM. Un autre exemple de projet transverse, la certification de SA2M en 2018. Mon activité principale c’est tout ce qui est pilotage de projets.

Vous avez une vraie spécialité dans l’univers du ferroviaire, est ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur votre connaissance du secteur ?

J’ai intégré le ferroviaire en 1994 comme Technicien Qualité chez Alstom à La Rochelle et j’y suis resté jusqu’en 2001. Entre temps, entre 1998 et 2001, j’ai repris mes études pour faire une formation d’ingénieur. Mon expérience du ferroviaire, ou en tout cas des requis et exigences du monde ferroviaire, je l’ai surtout acquise dans ces années-là. J’étais à la Qualité Fournisseurs donc on avait la possibilité d’apprendre beaucoup des requis et on visitait beaucoup des fournisseurs Alstom.

En 2001 j’ai quitté Alstom pour aller chez un fournisseur de rang 1. On ne parlait pas encore d’intériorisme à l’époque, mais c’était un fournisseur qui faisait notamment tous les intérieurs de train. J’y suis resté jusqu’en 2013.

Mon expérience, je l’ai donc acquise, premièrement chez Alstom pendant 8 ans et ensuite en tant que fournisseur de rang 1 où j’ai pu voir l’autre côté de la barrière et voir comment les fournisseurs appliquent au quotidien les requis et l’exigence de ce secteur.

Pour revenir sur SIAM, on sait que SIAM n’a pas toujours eu la maîtrise de ces savoir-faire, comment avez-vous réussi à l’inscrire dans vos domaines d’expertise quotidien ?

SIAM avait une expertise dans le milieu ferroviaire, mais uniquement en fournisseur de rang 2. L’entreprise a travaillé pour un certain nombre de fournisseurs de rang 1 du ferroviaire, notamment celui où j’étais de 2001 à 2014. Ils avaient donc déjà une connaissance et une certaine expertise des exigences des fournisseurs de rang 1 et donc des exigences d’Alstom.

Il y a une chose qui est très importante pour moi chez SIAM, et dans ce groupe industriel, c’est le mobilier urbain. La première fois que j’ai visité SIAM, j’ai eu un tilt parce que j’ai vu dans les exigences du mobilier urbain les exigences du ferroviaire. Alors, bien entendu, le normatif et les références n’étaient pas les mêmes, mais tout de suite j’ai vu quelque chose qui a fait tilt en moi. On voyait que SIAM avait cette notion de faire du beau produit, d’avoir une qualité produit, d’être exigent sur les requis, que ce soit en termes de peinture, d’aspects ou sur les composants intégrés. Finalement, oui il y avait des choses à apprendre parce que le normatif du mobilier urbain et de JC Decaux n’est pas le même que celui du ferroviaire, mais en tout cas pour les gens, le savoir-faire était là. Faire du beau produit, qui contente l’œil, on disait souvent ça dans le ferroviaire, il faut que ça contente l’œil, et bien ça chez SIAM, les gens savaient le faire et l’avaient déjà acquis.

Je crois que le projet d’intégrer le monde du ferroviaire en tant que fournisseur de rang 1 a commencé chez SIAM en 2015 mais que c’est vraiment l’année 2020 qui a marqué un tournant avec le projet MP14. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Effectivement, lorsque Patrick Bouchard (ndlr. PDG du Groupe DIS) m’a embauché en 2014, il avait pour idée de rentrer en tant que fournisseur de rang 1. On a rapidement approché, de par mon réseau, un certain nombre de dirigeants d’achats pour voir comment on pouvait faire et l’un d’entre eux nous a dit qu’il y avait une opportunité. Un centre d’excellence s’était créé à Valenciennes dans le but de s’adosser à des partenaires avec une vraie compétence dans la mise en œuvre des procédés de production. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’en 2013, 2014, la majorité des fournisseurs de rang 1, c’était la politique des constructeurs de l’époque, faisaient également la conception des produits sur la base d’un design réalisé par Alstom. Finalement, Alstom, et Bombardier, a connu de grosses difficultés en 2014 liées à l’un de leur principal fournisseur qui avait cette compétence de conception. Ce fournisseur s’est retrouvé en difficulté et quand Alstom a voulu récupérer les plans et les donner à d’autres fournisseurs, ils se sont rendu compte qu’ils ne les avaient plus car c’est le fournisseur qui avait les plans. Je pense que ça a été une réelle remise en cause chez Alstom qui a mis en place à partir de 2013, ce qu’on appelle le Centre d’Excellence, où ils ont décidé eux, Alstom, de rapatrier la conception des produits, les savoir faire et les plans.

Ça nous allait plutôt bien chez SIAM car nous ne souhaitions pas faire de conception. On en fait sur d’autres projets, mais sur le ferroviaire on ne voulait pas. On souhaitait être ce qu’on appelle un « best practice manufacturing », c’est-à-dire pouvoir proposer à notre client des savoir-faire de production. Et c’est ce qu’on a cherché à faire.

En 2015, on a été se faire connaître. A partir de là, il s’est passé énormément d’étapes, que ce soient les audits financiers, ils sont venus vérifier notre santé financière, des étapes qualité, des étapes d’audits industriels, et puis les premières RFQ sont tombées assez vite. Les RFQ (Request For Quotation ndlr.) ce sont des chiffrages à faire, d’intérieurs de train en général. Elles sont tombées assez vite, en 2015, 2016. Finalement, il s’est passé un certain nombre d’années et on a répondu à 7 ou 8 RFQ. Et c’est vrai que 2020 a été un tournant. J’ai envie de dire, 2019 aussi.

En 2019, nous étions sur le point d’abandonner parce qu’on n’y arrivait pas. A chaque fois, on se retrouvait en finale face à un des principaux intérioristes français. On était souvent très appréciés de par la structure de nos offres, la qualité de notre offre, notre niveau de coûts et finalement, nous n’étions jamais choisis. A ce moment-là, nous avons compris que, malgré le réseau et les bons contacts qu’on avait avec le Centre d’Excellence, nous étions très peu connus sur les sites d’Alstom et que, sans cette connaissance, on avait du mal à passer les étapes finales de RFQ.

Et c’est vrai, en 2019, très honnêtement, nous avons failli abandonner. J’ai une pensée pour une personne que je vais juste appeler Isabelle aujourd’hui. Cette personne a joué un véritable rôle de sponsor et a toujours cru en nous et en notre potentiel. Elle a sur nous remotiver, nous dire qu’il ne fallait pas abandonner, qu’il n’était pas trop tard. Ça a été aussi une conjonction de phénomènes. Tout d’abord, ce sponsoring de la part de cette personne et puis, le principal intérioriste en France, qui avait pris énormément de commandes et qui, finalement, ne pouvait pas en prendre plus. Le ferroviaire, avec la mobilité, les stratégies et les politiques des villes avait beaucoup de commandes.

Et finalement, les planètes se sont alignées. Un intérioriste français qui ne pouvait pas prendre plus de commandes, nous qui tapions à la porte depuis un certain temps, le sponsor d’une personne que l’on a commencé à beaucoup plus écouter auprès de la direction des achats à Paris parce qu’il fallait bien trouver des personnes capables de faire de l’intériorisme en France. Et finalement, fin 2019 c’est comme ça qu’ils sont venus nous visiter en nous proposant de nous soumettre à une RFQ, celle de MP14. Le principal intérioriste français ne pouvait pas tout prendre et Alstom avait décidé d’avoir une politique à 2 fournisseurs sur ce marché. Donc en février, mars 2020 nous avons à nouveau eu une RFQ qui a été ce tournant pour SIAM.

Début 2020, nous traitons cette RFQ avec les équipes pendant 6,7 mois puis nous sommes conviés en novembre 2020 chez Alstom. J’y suis allé avec Patrick Bouchard et Thibault, l’ingénieur indus qui m’avait beaucoup accompagné sur cette phrase de RFQ. Nous y allions pour un workshop, c’est-à-dire que l’on doit montrer que l’on a compris leurs exigences. On vient décrire notre solution, la manière dont on voit le produit, dont on pense le réaliser, les risques potentiels et les plans d’actions prévus en phase série. Cette visite se passe plutôt bien, nous sommes plutôt à l’aise sur cette phase-là. Le lendemain, nous sommes convoqués très tôt et on s’attend à une nouvelle phase de négociation de prix. Pour être honnête avec vous, on en était à l’offre n° 6, 7 ou 8, on avait déjà fait pas mal de concessions.

Finalement, ils nous ont annoncé qu’ils nous donnaient le marché avec un train de présérie et pour à termes nous donner de la série. Ça a été une grande joie, une grande émotion. J’en suis encore ému en en reparlant, c’était un enjeu majeur pour SIAM.  

En 2018, nous avions pris une petite commande de carénages XO5 avec Alstom La Rochelle mais finalement c’était presque anecdotique. C’était un petit pourcentage de notre CA et le vrai risque dans ces grandes entreprises, c’est qu’elles se séparent de nous. Tous les 5 ans, chez Alstom, il y a de nouvelles politiques d’achats qui induisent toujours une rationalisation du panel fournisseurs. Souvent, ils ont tendance à éliminer les petits fournisseurs pour se concentrer sur les plus gros.

Aujourd’hui, nos interlocuteurs disent de SIAM que c’est un intérioriste. Et des intérioristes, pour faire court, il y en a 3 en France, 2 en Chine, 2 en Espagne… c’est un petit milieu.

Actuellement, on démarre les livraisons séries de MP14, ce qui nous a permis d’avoir ensuite XO5 sur des plafonds, des voussoirs et des intérieurs de train. Ça nous permet d’inscrire totalement notre diversification dans ce secteur-là, le ferroviaire. Patrick Bouchard avait toujours dit, vis-à-vis de la direction des achats, que notre but c’était de ne pas aller au-delà de 20, 25% de notre CA dans le ferroviaire. En étant intérioriste, ça va nous permettre d’avoir ce type de CA et donc d’avoir une certaine croissance dans le ferroviaire. C’était un enjeu majeur pour SIAM et Patrick Bouchard a toujours mis les moyens pour que l’on puisse y arriver.

Finalement, si on regarde, votre objectif du début du lancement de projet est largement rempli maintenant que vous êtes bien identifié en tant qu’intérioriste. Vous vous démarquez et vous avez fait preuve d’une grosse résilience, notamment en 2019 où vous avez failli abandonner, et finalement, vous y êtes arrivés. Si l’on parle de vos atouts pour remporter cet appel d’offres, vous diriez que c’était quoi ?

Je pense qu’on su leur montrer que lorsqu’on parle de « best manufacturing », on sait de quoi on parle sur les procédés chez SIAM. Que ce soient les procédés mis en œuvre, le machining, la soudure, l’usinage, ça a été une des forces, de montrer que quand on parlait de procédé industriel, il y avait une réelle connaissance.

Le second point fort, ça a été notre souci de toujours piloter ces procédés via les analyses de risques. Je pense que ça a été un plus vis-à-vis de nos concurrents. Quand on envoie une offre, elle est souvent accompagnée de ce qu’on appelle un mémoire technique, qui écrit l’histoire de ce qu’on a compris, mais elle est souvent aussi accompagnée d’une analyse de risques. C’est vrai que souvent les analyses de risques sont reprises d’un marché à un autre, mais nous avons eu ce souci de les faire évoluer. Et pour nous, c’est un vrai outil de pilotage qui est très utilisé côté projet, mais pas seulement. Cet aspect vient aussi de Patrick Bouchard, ce sens de l’analyse de risques, son business plan contient toujours une notion de risque.  

Ça a donc été un autre point fort. Après, effectivement, comme on était nouveau vis-à-vis du COE (Center of Excellence ou Centre d’Excellence ndlr.), on avait ce souci de nous inscrire complètement dans leur démarche. Ils mettaient en place une nouvelle démarche dans laquelle il fallait faire preuve de transparence, notamment dans la phase de chiffrage. Les COE souhaitent qu’on partage très clairement les prix de revient, les prix d’achats, notre overhead, les bénéfices etc. Et c’est vrai que ça a été un point fort parce qu’on s’est mis à 100% dans cette démarche. On a été très transparent avec eux, ça leur a beaucoup plu et ça leur plaît encore aujourd’hui. A contrario, si je prends les anciens du ferroviaire ou les anciens intérioristes, ils ont beaucoup plus de mal à rentrer dans cette démarche parce qu’effectivement, ils ont une manière de faire qui est complètement différente. Nous cette manière de faire, on l’a appris avec eux, avec le COE, donc on est plutôt à l’aise avec ça.

Autre atout, il me semble que le terme de groupe a pris tout son sens dans ce projet. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur cette synergie entre toutes les entités du Groupe DIS ?

J’ai tendance à dire qu’à travers toutes ces étapes il y a eu un vrai engagement de toutes les équipes. J’ai vraiment eu cette image du pack de mêlée qui, quels que soient les coups ou les claques que l’on a pris, a toujours continué à avancer. C’est vrai, vous l’avez dit, on a fait preuve à un moment de résilience, je pense surtout à mon PDG. Parce qu’à un moment on a failli abandonner, on avait dépensé trop d’argent mais c’est vrai que l’équipe, c’est une équipe de jeunes, ils ont cette fougue, cette envie de montrer qu’on est capables de faire, cette envie de transparence, cette envie d’honnêteté, cette solidarité. C’est vraiment une équipe qui peut continuer à renverser des montagnes. Déjà, ce qu’on a fait là en un an sur ce train de présérie de MP14 c’est extraordinaire la montée en compétences, c’est fantasmagorique. Et oui, je pense qu’on peut aller beaucoup plus loin.

Il n’y a que des belles choses qui se profilent à l’horizon pour le Groupe DIS.

Je pense oui, parce que très honnêtement, Alstom continue à remporter d’immenses marchés, il y a une vraie politique dans le ferroviaire donc on doit prendre notre part du gâteau, c’est sûr.

Pour finir, si vous deviez résumer cette expérience en quelques mots, quels seraient-ils ?

Quand on parle de résumé, je me revois avec l’équipe, Patrick Bouchard et Thibault, quand on a pris le marché MP14 en novembre 2020. Heureusement qu’on n’était pas toujours conscients de toutes les étapes à venir parce que je pense très honnêtement qu’on ne le referait pas. Il y a eu cette fougue, il y a eu, à un moment ou un autre, cette inconscience quelque part. Après chaque étape il y a eu l’étape suivante, on avait l’impression que la sortie du tunnel n’était pas loin mais finalement elle continuait à s’éloigner.

En quelques mots, si je devais résumer c’est : inconscience, un peu de folie et surtout résilience, solidarité des équipes, solidarité avec la direction et toujours cette volonté d’avancer.

Merci François pour ce récit qui est emprunt de passion qui fait plaisir à entendre.