Robotisation et industrie : vers des ateliers tout automatiques ?

La robotisation est un sujet d’actualité dans tous les secteurs d’activité. Automatisation, répétabilité des tâches, rapidité, optimisation de l’espace… les avantages des robots sont nombreux. Dans le milieu industriel, la robotisation est également synonyme de productivité et de flexibilité pour les lignes de production.

Artech, une des filiales du Groupe DIS, a validé le mois dernier un investissement dans un nouveau robot de soudure qui devrait arriver dans l’atelier pour l’été. Nous sommes donc allés interroger Michaël Bézard, Directeur Innovation Process et Digital du Groupe DIS et Mickaël Marzelleau, Directeur d’Artech, pour nous parler de robotisation dans les ateliers industriels et du projet de ce nouveau robot de soudure qui va améliorer les possibilités de l’atelier d’Artech.

Pouvez-vous vous présenter s'il vous plaît ? Ainsi que votre fonction au sein du Groupe DIS ?

Michaël Bézard Directeur Innovation Process et Digital du groupe DIS depuis novembre 2019. Après 10 ans en tant que responsable Maintenance Travaux Neufs de Bourasseau Industrie j’ai intégré la structure DIS afin de travailler sur l’ensemble des filiales avec pour objectif d’établir un plan d’évolution et de modernisation de nos usines dans leur globalité. C’est à ce titre que j’ai travaillé avec les équipes d’Artech sur un dossier de soudure pour lequel nous avons validé la mise en place d’une solution de soudure robotisée.

Mickael Marzelleau, après différents postes dans le groupe DIS depuis 2002, j’ai pris la direction du site Artech depuis 2017. Mon rôle est de piloter Artech et de mettre en œuvre les actions nécessaires pour atteindre les objectifs définis par la direction générale.

Artech a récemment validé un investissement dans un nouveau robot de soudage. Ce robot sera le second de l’atelier et vient compléter une logique de modernisation et d’automatisation des ateliers du Groupe DIS. Quel a été le cheminement vers cet investissement ?

Michaël Bézard

Chez Artech nous rencontrons régulièrement un problème de charge de travail en soudure supérieure à notre capacité. Malgré un souhait constant et ininterrompu d’embauche nous nous trouvons confrontés comme la plupart de nos confrères à un manque de personnel qualifié dans le monde de la chaudronnerie et mécanosoudure.

Un robot de soudure est déjà présent dans l’atelier chez Artech mais sa configuration est assez particulière et adaptée à la base à un dossier bien spécifique, avec l’expérience les équipes d’Artech ont réussi à augmenter le taux d’utilisation de celui-ci mais nous restons limités par les capacités dimensionnelles du robot.

Différents dossiers, dont un plus spécialement dans le ferroviaire pour le projet MP14, ont des contraintes de dimensions et des caractéristiques de soudures qui font que la question de la robotisation était devenue prioritaire.

Mickaël Marzelleau

Derrière l’achat d’un robot de soudage, il y a différentes problématiques :

  • Besoin d’accroissement de capacité, malgré la formation permanente d’apprentis en vue de former nos futurs collaborateurs, la manque de main d’œuvre est souvent problématique pour répondre aux besoins de nos clients.
  • Besoin d’assurer plus de répétabilité, c’est-à-dire qu’un robot a une précision de gestes beaucoup plus fine qu’une opération humaine et ce geste sera reproduit à la perfection sur les pièces suivantes. Certains marchés / pièces sensibles demandent une précision extrêmement importante dans la réalisation, c’est le cas du marché MP14 pour Alstom remporté par SIAM.
  • C’est aussi l’occasion de nous positionner sur de nouveaux marchés avec plus de volume, ce que nous ne faisions pas jusqu’ici faute de capacité main d’œuvre pour y répondre.

L'atelier d'Artech possède déjà un robot de soudage, pourquoi cette volonté d'investir dans un second ?

Michaël Bézard

Les dimensions et capacités de notre premier robot font qu'il est quasiment dédié à une production. Même si nous pouvons régler de nouvelles productions sur celui-ci, nous sommes très limités en capacités dimensionnelles et donc pas adaptés à un panel de produits assez vaste.

Mickaël Marzelleau

Notre premier robot est maintenant relativement ancien et limité en termes de capacités par le volume des pièces réalisables. La taille de ce robot ne correspond plus aux pièces de nos marchés actuels.

L‘actuel robot de soudage

Quels sont les avantages de la robotisation d'un atelier industriel et plus spécifiquement dans le domaine industriel du Groupe DIS ?

Michaël Bézard

La robotisation répond à plusieurs besoins différents :

  • L'assurance qualité
  • Le respect strict d'une gamme de soudure
  • Les optimisations de temps de soudure versus les temps de déplacement

En ce qui concerne l'assurance qualité, la robotisation permet une répétabilité que nous n'avons pas avec l'opérateur. Si sur une pièce avec quelques cordons le soudeur peut assurer une répétabilité sans faille, sur une pièce avec quelques dizaines, voire plus de 100 cordons de soudure, le robot est, à mon sens, le seul moyen d'assurer une répétabilité des soudures et l'assurance d'absence d'oublis de cordons de soudure. Cela permet d'éviter de mettre en place une traçabilité qui va être plus consommatrice de temps que la réalisation de la pièce elle-même.

Mickaël Marzelleau

Le premier avantage à mes yeux est la répétabilité. En soudure, la programmation d'un robot permet d'assurer le respect strict des paramètres de soudage : vitesse de déplacement, inclinaison de torche... Tout cela abouti à la reproduction de pièces strictement identiques avec une traçabilité rigoureuse et un enregistrement des paramètres de soudage.

Chez Artech, nous avons besoin en permanence de faire évoluer notre capacité de production, notre difficulté récurrente à recruter est un frein et la robotisation fait partie des solutions d'accroissement de capacité.

D'un point de vue humain, c'est aussi l'occasion de faire des montées en compétence. Après une période de formation, un chaudronnier peut transcrire son savoir-faire dans un programme, concevoir des outillages de prise de pièces et nous devrons aussi former des opérateurs robot qui devront alimenter le robot, décharger les pièces soudées et procéder aux contrôles nécessaires.

La robotisation est un sujet d’actualité depuis plusieurs années, quel que soit le domaine : industrie, retail… On pense notamment à l’entrepôt Amazon de Bretigny-sur-Orge (où des unités robotisées autonomes s’occupent d’ordonner les stocks et de déplacer les tours de casiers d’articles directement vers les employés du picking) ou encore aux avancées des robots de Boston Dynamics, toujours plus mobiles et précis dans leurs mouvements.
Pensez-vous que l’on en viendra, dans l’industrie, à des ateliers entièrement robotisés pilotés par des programmateurs ?

La Qualité : un argument en faveur de la robotisation


Michaël Bézard

L'Homme aura toujours sa place dans nos usines de production, nous ne sommes pas sur des marchés avec des volumes tels que nous pourrions tout automatiser. Mais le Groupe DIS est l'illustration même de la poussée de l'automatisation et de la robotisation des installations. Nous disposons déjà dans le groupe de plusieurs installations qui illustrent cette transformation.

Chez SA2M, nous disposons déjà d'un transtockeur qui permet une gestion automatisée de nos profilés aluminium et ce depuis 2010. Nous disposons également, chez Bourasseau Industrie, d'un transtockeur de tôles qui est connecté directement à 4 machines de découpe (lasers et poinçonneuses) ainsi que notre atelier de pliage et ce depuis 2001. Nous disposons également d'un robot de pliage depuis 2011.

Mickaël Marzelleau

Heureusement, l'humain a encore sa place dans nos entreprises, même si certains métiers sont amenés à se transformer. Artech est reconnu pour son savoir-faire en chaudronnerie. Dans notre métier, l'expérience et les années de pratique sont des éléments clés pour maîtriser les assemblages complexes. Le robot est un facilitateur dans la réalisation : il améliore certaines tâches pénibles ou difficiles. Mais derrière un robot se cache un programmeur expert dans son métier parce qu'il a appris grâce à des années de pratique.

Par ailleurs, la robotisation nécessite plus de temps d'industrialisation et d'investissement en outillage. Chez Artech, nous réalisons beaucoup de pièces unitaires ou en très petites séries. La robotisation n'est pas viable économiquement sur ces réalisations.

Qu'en est-il des cobots, ces robots qui collaborent avec les humains pour améliorer leur productivité ? Pourraient-ils devenir la norme à moyen ou long terme dans une alternative aux robots tout automatiques ?

Michaël Bézard

Les cobots sont en effet de plus en plus présents dans le monde de la soudure. Nous observons depuis quelques années la montée en puissance de ces dispositifs. Ils doivent répondre à plusieurs aspects de la robotisation.

Le premier est la simplification des interactions homme-machine avec la possibilité de travailler à proximité d'un cobot sans dispositif de sécurité contraignant tout en assurant un niveau de sécurité optimal pour les opérateurs.

Le second est la simplification de la programmation en utilisant la fonctionnalité de déplacement manuel du bras afin de créer le parcours. Cet aspect-là permet de s'affranchir des temps de programmation assez long en déporté avec les logiciels de programmation en 3D qui sont quand même assez complexes même si les éditeurs ont fait d'énormes progrès sur ces aspects-là.

Mickaël Marzelleau

A mon sens, les cobots ne répondent pas aux mêmes problématiques que les robots et sont plutôt complémentaires. Si les cobots sont plus faciles à programmer, ils sont aussi moins rapides en termes d'exécution et sont limités à des pièces de faible volume.

Quelle évolution envisagez-vous pour la robotisation d'Artech et par extension du Groupe DIS ?

Michaël Bézard

La robotisation va devenir de plus en plus présente dans le Groupe, l'impact des nouveaux marchés nous oblige à nous poser les bonnes questions aussi bien en termes de quantité de moyens que de capacité ou de technologie. Il n'y a pas que la soudure qu'il faut robotiser dans nos ateliers mais c'est un des chantiers prioritaires.

Sur la robotisation de la soudure, chacune de nos filiales a dans son portefeuille des pièces robotisables que nous nous devons de regarder afin d'opérer la bonne répartition entre les produits à robotiser et la production assurée par nos chaudronnier soudeurs. Cela va nous amener à nous poser la question des dimensions des robots mais également des technologies.

D'un point de vue technologie, nous ne disposons à ce jour que de robots de soudure en MIG/MAG, les robots de soudure TIG ont le même niveau de maturation sur le marché et c'est une technologie également intéressante pour nos productions.

Il y a également la robotisation de la soudure avec la technologie laser qui commence à faire ses preuves. Des constructeurs comme AMADA, TRUMPF, PANASONIC et autres proposent depuis un certain temps des dispositifs dédiés qu'il nous faut regarder avec attention pour ne pas passer à côté le jour où nos productions seront adaptées et justifiées pour la mise en œuvre de ces technologies chez nous.

Ensuite, il nous faudra également continuer à regarder la robotisation en pliage et en usinage mais ce sont d'autres sujets.

Mickaël Marzelleau

Chez Artech, notre premier métier est la soudure. Il était donc naturel de s'intéresser en priorité à la robotisation de la soudure. Notre atelier sera doté dans quelques semaines de deux robots de soudure aux capacités différentes, il faudra surveiller l'évolution de nos besoins et l'évolution des technologies des années à venir pour adapter de façon cohérente nos outils de production.

Certaines tâches sont encore relativement pénibles à réaliser, il y a probablement une réflexion dans les années à venir sur l'amélioration des conditions de travail.

De nombreuses opérations sont déjà robotisées dans le Groupe DIS : Bourasseau est doté d'un transtockeur automatisé pour le chargement et déchargement de ses centres de découpe Laser de poinçonnage, le pliage est également robotisé. L'expérience en soudure chez Artech sera sans doute décisive dans les choix futurs chez Bourasseau Industrie. Chez SA2M, c'est également le stockage qui est robotisé, avec un transtockeur qui alimente les opérations de débit.

Nous l‘avons compris, les ateliers intégralement robotisés ne sont pas encore pour tout de suite, du moins au sein du Groupe DIS. En revanche, l‘arrivée des robots dans les ateliers industriels permet une forte augmentation de la productivité et de la répétabilité des tâches. L‘Homme a donc bien toujours sa place dans l‘atelier et n‘est pas près de se faire remplacer intégralement par des programmeurs. La robotisation en industrie est un sujet complexe et diffère selon les usines de production. Au sein du Groupe DIS où nous mettons l‘innovation au cœur de notre quotidien le sujet est plus qu‘actuel.